EDITION Voir l’Alsace autrement grâce aux Couloirs du temps mercredi 8 février 2023 – Nicolas PINOT
Découvrir l’Alsace autrement, à son rythme, savoir quoi montrer de la région à sa famille ou ses amis. Depuis plusieurs années, Les couloirs du temps, maison d’édition sise à Ingersheim, donne les clés de circuits hors des sentiers battus où les énigmes apprennent à lever le regard.
Paul-André Bechler le dit d’emblée : « Je ne suis pas un historien ». Ce retraité d’Ingersheim a pourtant déjà rédigé, illustré et édité des dizaines d’ouvrages sur l’Alsace. De petits formats à spirales, pratiques à emporter avec soi et destinés à être ouverts souvent et par tous les temps. C’est le but.
Chacun de ces guides touristiques comporte un circuit complet à travers une ville, un village ou un secteur, comme de Turckheim à Kaysersberg. Bien loin « des visites au pas de charge », il s’agit de « promenades » proposant des focus sur « de curieuses inscriptions, des symboles mystérieux sur les murs ou les linteaux de portes ».
Tout est parti « d’un truc bête. Mon fils venait de déménager à Ribeauvillé. Je lui ai demandé ce qu’il y avait à y voir, il ne savait pas. Je suis allé à l’office de tourisme, ils m’ont donné une pauvre photocopie avec une carte du village. Face à mon désappointement, mon fils m’a lancé le défi de m’occuper moi-même de recenser tout ce qu’il y avait à voir ».
En vrai autodidacte, Paul-André s’est pris au jeu. Ses ouvrages sont notamment dédiés à Colmar, Turckheim, Kaysersberg, Eguisheim ou Strasbourg. « J’ai commencé par photographier tout ce qui me paraissait étrange, puis j’ai passé énormément de temps aux services des archives. C’est la partie la plus longue du travail que d’inventorier tout ce que l’on peut trouver sur telle ou telle maison ».
Consacré à Ribeauvillé, le premier ouvrage a rencontré un certain succès. « Donc j’ai continué ». Parfaitement germanophone, Paul-André Bechler décode, décrypte et traduit tous les textes en vieil allemand comme la plaque de bannissement apposé à la suite d’une révolte au XIVe siècle sur un immeuble de la rue des Marchands à Colmar. « Elle stipule justement que suite à ces révoltes contre le grand bailli, la bâtisse doit être rasée et que plus rien ne sera jamais reconstruit à sa place. Ce qui n’a pas été le cas puisque la plaque est apposée sur l’immeuble qui la remplace ! »
« De la logique, de l’observation, voire de la déduction »
À Colmar, il a du grain à moudre. Son premier guide dédié à la cité de Bartholdi compile 130 énigmes « qui permettent de découvrir l’itinéraire du circuit. C’est uniquement de la logique, de l’observation, voire de la déduction. Aucun besoin d’être calé en histoire ». La solution est systématiquement donnée en fin de livre « agrémentée d’une photo ». Cet opus s’est vendu « à des centaines d’exemplaires » chez Ruc, sur le site internet ou lors du salon du Livre. Et il fourmille de découvertes, même pour les Colmariens pur jus. « J’ai eu des retours de lecteurs qui se rendaient compte qu’ils ne connaissaient pas leurs rues ou qu’ils avaient appris à lever la tête grâce à moi ».
Qui sait en effet qu’il existe « un personnage tenant une tête de mort par la fenêtre » au 74-76 Grand’Rue ? Que non loin de là, un buste d’Alsacienne domine une entrée de commerce : « Elle a été sculptée par Bartholdi pour récompenser son coiffeur, à l’époque installé dans cette boutique ». Qui prête attention aux écus de 1599 et 1600 dans la Petite rue des Tanneurs ? « J’exploite cette niche car aucun guide touristique n’en parle ». La démarche plaît aux touristes, mais aussi et surtout aux locaux.
Pour parfaire les connaissances des lecteurs, un lexique figure en fin de livre. On s’y familiarise avec des termes tels que pilastre, quadrilobe, pigeâtre, trumeau, gable ou oculus.
Des projets, Paul-André Bechler en a beaucoup. « Il s’agit parfois de mettre à jour d’anciens guides. Je vais ainsi tout refaire sur le cloître des Dominicains et ajouter un supplément sur la maison Pfister avec la signification de toutes les peintures qui ornent sa façade ». Encore un travail de titan. « Il me faut deux ans pour faire un livre. Notamment car je dois absolument tout vérifier ».
Plus rarement, ces « actualisations » mettent à jour la disparition d’éléments patrimoniaux remarquables dans une indifférence totale. Cela a été le cas d’une canonnière, également appelée « bouche à feu », datant du XIIIe siècle et située à l’extrémité du quai de la Poissonnerie, vers la rue Schwendi. Lors de la réfection de la promenade le long de la Lauch, « elle a tout bonnement disparu. Elle faisait pourtant partie de l’enceinte primitive de Colmar. J’avais envoyé un courrier pour m’en étonner à la mairie d’alors. Elle ne m’a jamais répondu et je n’ai aucune idée de ce qu’elle est devenue ».
site www.couloirs-du-temps.com
Paul-André Bechler rédige des dizaines de petits ouvrages qui proposent des circuits hors des sentiers battus pour découvrir
l’Alsace et particulièrement la région colmarienne. Pour pimenter le tout, des énigmes faisant appel au sens de l’observation sont soumises aux lecteurs. Photos DNA /Nicolas PINOT